Née en 1985 à Namur (Belgique) Depuis 2008, je ramasse des petits papiers ou objets dans la rue. Je les archive, et ils constituent ma base de données picturale et sculpturale. Chaque objet reçoit un numéro et un nom. Ils sont mesurés, classifiés par couleur (unis, multicolores, avec typographie) et scannés. Par la suite je […]

Née en 1985 à Namur (Belgique)

Depuis 2008, je ramasse des petits papiers ou objets dans la rue. Je les archive, et ils constituent ma base de données picturale et sculpturale. Chaque objet reçoit un numéro et un nom. Ils sont mesurés, classifiés par couleur (unis, multicolores, avec typographie) et scannés. Par la suite je réalise une sorte de « nuancier » reprenant toutes les « couleurs ». C’est une manière d’illustrer cette partie du processus (voir ci-contre).

Ces objets me font signe, cette attirance n’est pas réfléchie, ni maitrisée ça s’est imposé à moi. J’ai autant été surprise par ces objets que par mon intérêt pour eux. Ce sont leur(s) couleur(s), leur(s) forme(s) ou leur(s) typographie(s) qui déterminent le choix de la récolte, ce n’est pas aléatoire mais ça n’est régulier non plus. Il faut qu’ils me touchent à un certain moment.

En observant le sol, on découvre l’illisibilité du monde, ses contradictions, son chaos, son refoulé… C’est un moyen de voir l’évolution de la société par ses traces, de l’industrie par ce qu’elle rejette. Au départ, j’observais juste ces papiers jouer entre eux coincés entre les pages de mon carnet, puis je les ai vus en pein- ture. L’agrandissement et la mise en espace de ces fragments est une manière d’en prendre soin, c’est en quelque sorte un redressement des déchets, du sol au mur. Ils acquièrent un autre statut. La peinture est le moyen de fixer cette ren- contre.

Si d’un point de vue esthétique, par le plaisir de la couleur, on a tendance à associer ma démarche au pop art, elle en diffère car son origine est la fin du circuit de consommation. Ce sont les restes qui m’intéressent, ce qui est laissé, ce qu’on ne considère pas. Il est certain qu’il y a un côté séduisant dans ces aplats de couleurs vives, mais c’est justement dans la dualité et l’opposition qu’il y a entre cette dimension de séduction et la crasse apparente de ces déchets qui est à l’ori- gine de ma démarche. C’est peut-être d’ailleurs ça que je peins en plus d’eux: cet étonnement que j’ai de les trouver beau. S’agit-il d’une sorte de transmutation?

Le processus a une place très importante dans mon travail. Il y a différentes étapes dans cette recherche: récolte, archivage, agrandissement en peinture, mise en espace, et il y en aura peut-être d’autres, cela reste ouvert et libre. L’installa- tion en est une partie intégrante, le jeu d’associations de couleurs et de formes, créer un univers ludique voire peut-être joyeusement critique (à quoi ressemble- raient les rues si les déchets prenaient autant de place ?).

Parfois, depuis peu, après la phase d’association des pièces peintes sous forme d’installations, certains papiers demandent leur individualité. Je les dé- couvre comme pouvant tenir tous seuls, et c’est une perspective du travail. Les papiers que je choisis d’agrandir et de mettre en espace, reçoivent un nom pen- dant la phase d’agrandissement à l’échelle dans le carnet. Ces petits morceaux « sales » reçoivent tout à coup leur nom propre! Je les distingue par le nom qu’ils m’évoquent formellement et je leur donne un nombre (chronologique, lié à l’ins- tant de la récolte).

A ce moment là, ils sortent du chaos, de l’illisibilité du monde, ils se diffé- rencient, acquièrent une histoire singulière. Généralement, la composition finale se fait au dernier moment, en fonction de l’espace disponible. J’observe le lieu et puis je joue avec ces formes de couleur et le vide du mur et/ou du sol pour trouver un équilibre, une structure. C’est l’expression d’une sorte d’archéologie du pré- sent, et par ce biais, l’art s’inscrit dans le quotidien et évoque notre société.

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